Document d’orientation n°001 publié par ALREI - Janvier 2024 (Dr. Hod Anyigba)
Points saillants
Introduction
L’Afrique représente aujourd’hui 17 % de la population mondiale, contre moins de 3 % du PIB mondial. Selon un rapport publié par la CNUCED en 2019 sur le développement économique en Afrique, la part des exportations intra-africaines dans le total des exportations africaines est passée d’environ 10 % en 1995 à seulement 17 % en 2017, mais elle reste faible par rapport aux niveaux observés en Europe (69 %), en Asie (59 %) et en Amérique du Nord (31 %)1. En d’autres termes, les échanges commerciaux entre les pays africains sont plus coûteux qu’avec d’autres blocs économiques tels que l’Europe, l’Asie ou l’Amérique du Nord. Dans le souci de combler ce déficit commercial, l’Union africaine (UA) a lancé un plan de développement de l’Afrique, l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). La ZLECAf propose, par cet accord, une feuille de route axée sur les membres en vue de la réalisation d’un développement durable et inclusif sur le continent africain.
Avantages de la ZLECAf
La ZLECAf devrait notamment supprimer les barrières commerciales entre les membres, ce qui permettra aux entreprises de commercer plus facilement en Afrique et de profiter de la croissance de leur propre marché ; introduire des mesures réglementaires telles que des normes sanitaires et la suppression des barrières non tarifaires au commerce ; établir un marché libéralisé pour les biens et les services ; faciliter les flux de capitaux ; faciliter les investissements en créant un grand marché ; catalyser l’introduction de nouvelles technologies pour accroître la productivité ; renforcer la compétitivité des économies membres ; promouvoir le développement industriel par la diversification ; développer des systèmes de valeur ajoutée pour les produits ; et, à l’avenir, créer un marché continental commun2. La Banque mondiale estime que la ZLECAf ajoutera 450 milliards de dollars aux revenus de l’Afrique d’ici 2035 et augmentera les exportations intra-africaines de plus de 81 %. Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, cet accord commercial sur le marché unique permettra à l’économie africaine d’atteindre la barre des 29 000 milliards de dollars à l’horizon 2050. Toutefois, la question la plus importante reste sans réponse. Comment les 1,3 milliard d’habitants de l’Afrique, y compris les travailleurs africains, bénéficieront-ils de cet accord ? Quelles sont les mesures mises en place pour protéger les intérêts des travailleurs dans le cadre de cet accord ? Pour percer ce mystère, il est nécessaire d’examiner les protocoles existants de la ZLECAf.
Protocoles de la ZLECAf
La ZLECAf s’articule autour d’une série de protocoles et d’annexes qui énoncent des dispositions et des engagements spécifiques liés au commerce et à d’autres activités économiques.3. Parmi les principaux protocoles de la ZLECAf figurent le protocole sur le commerce des biens, le protocole sur le commerce des services, le protocole sur l’investissement, le protocole sur les droits de propriété intellectuelle, le protocole sur la concurrence, le protocole sur le règlement des différends, le protocole sur le transit et les questions connexes, ainsi que le protocole sur la coopération douanière. Apparemment, il n’y a pas de protocole concernant les femmes, les jeunes et les travailleurs de l’économie informelle.
Des protocoles sur le travail sont nécessaires pour les femmes, les jeunes et les travailleurs de l’économie informelle.
Avant tout, ces protocoles constituent un outil puissant pour promouvoir l’inclusion et l’équité sur le marché du travail4. Les femmes, les jeunes et les travailleurs de l’économie informelle sont souvent confrontés à des difficultés et à des vulnérabilités particulières qui peuvent les empêcher de participer pleinement au marché du travail. Les protocoles sur le travail, et qui concernent ces groupes, peuvent jouer un rôle clé en garantissant que les avantages du commerce et de l’intégration économique soient partagés plus équitablement, favorisant ainsi l’inclusion et contribuant à la réparation d’inégalités historiques. Ces protocoles sur le travail peuvent en outre contribuer à l’autonomisation des groupes marginalisés en prenant en compte leurs préoccupations spécifiques en matière de travail. Les femmes et les jeunes représentent une part importante de la main-d’oeuvre du continent, mais ils sont souvent sous-représentés dans l’emploi formel, où ils peuvent être confrontés à des inégalités salariales et à un accès limité aux opportunités de carrière. Les protocoles sur le travail peuvent aider ces groupes à s’émanciper en s’attaquant à des questions fondamentales liées à l’équité salariale, à l’amélioration des conditions de travail et à leur accès à la protection sociale.
De plus, les protocoles sur le travail dans le cadre de la ZLECAf peuvent mettre l’accent sur le développement des compétences et la formation des femmes, des jeunes et des travailleurs de l’économie informelle. Compte tenu de la nature changeante du travail et de l’évolution des exigences du marché du travail, il est essentiel de soutenir les programmes et les initiatives qui améliorent leurs compétences et leur capacité d’insertion professionnelle. Ces programmes peuvent ouvrir la voie à de meilleures possibilités d’emploi et favoriser une plus grande participation économique de ces groupes. Ces protocoles peuvent également protéger les droits des travailleurs, en particulier dans les secteurs où les pratiques de travail informelles sont répandues. Cette protection couvre des questions relatives aux niveaux de salaire minimum, aux heures de travail, aux normes de santé et de sécurité, ainsi qu’au droit de s’organiser et de défendre ses intérêts. Les protocoles sur le travail dans le cadre de la ZLECAf peuvent également stimuler l’esprit d’entreprise dans l’économie informelle. L’économie informelle comprend souvent des petits entrepreneurs et des travailleurs indépendants, et ces protocoles peuvent apporter un soutien et des incitations indispensables à ces entrepreneurs pour leur permettre de basculer dans l’économie formelle. Cette transition peut les aider à accéder de manière effective aux ressources et aux marchés essentiels, ce qui favorise la croissance économique et la stabilité.
Enfin, ces protocoles sur le travail - concernant les femmes, les jeunes et les travailleurs de l’économie informelle - peuvent jouer un rôle clé dans l’atténuation du déplacement potentiel des travailleurs face à la libéralisation du commerce. Si la libéralisation du commerce présente de nombreux avantages, elle peut parfois entraîner des suppressions d’emplois, en particulier dans certains secteurs d’activité. Les protocoles sur le travail peuvent inclure des dispositions visant à répondre aux besoins des travailleurs déplacés en leur offrant des possibilités de reconversion, de transition professionnelle et de soutien durant les périodes de transition économique. Il est donc important d’élaborer, dans le cadre de la ZLECAf, un protocole
complet sur le travail qui puisse être aligné sur les principes de l’OIT en matière de travail et qui comprenne les dispositions nécessaires pour les jeunes, les femmes et les travailleurs de l’économie informelle en Afrique.
A propos d’ALREI
L’Institut africain de recherche et d’éducation ouvrière (ALREI) est une structure semi-autonome de l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique), qui s’occupe de recherche et de formation. Nous sommes au service du mouvement syndical africain que nous soutenons, stimulons et renforçons. Toutefois, les points de vue et les opinions exprimés n’engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement la position de l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI) ou de l’ALREI. Aucune responsabilité ne peut donc être imputée à la CSI-Afrique ou à l’ALREI en ce qui les concerne.
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