AFRICAN REGIONAL ORGANISATION OF THE
INTERNATIONAL TRADE UNION CONFEDERATION Creating a better world for workers in Africa and beyond

En ce jour exceptionnel du 1er mai, l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique : https://www.ituc-africa.org/) se joint aux travailleuses et travailleurs du monde entier pour commémorer la Journée internationale des travailleurs. Ce moment à la fois solennel et festif est l’occasion de réfléchir aux longues et incessantes luttes pour la justice, la dignité et l’égalité, tout en réaffirmant cette vérité intemporelle : les travailleurs ne sont pas de simples contributeurs à l’économie, mais en sont le véritable socle.

Notre thème pour la commémoration de cette année, « Œuvrer pour la paix et la stabilité afin de promouvoir l’industrialisation, le commerce et le travail décent en faveur de la justice sociale », va droit au cœur de notre mission commune. Il nous rappelle que, sans paix ni stabilité, l’industrialisation et le commerce ne sont que de vaines illusions. Une croissance économique qui ne repose ni sur le travail décent ni sur la justice sociale n’est ni durable ni équitable. L’avenir de notre continent dépend de notre capacité à repenser le développement sous l’angle des peuples, et non à travers le prisme étroit et déséquilibré de l’accumulation des profits.

Aujourd’hui, l’Afrique se trouve à un carrefour critique. Les ombres des conflits violents continuent d’assombrir de nombreuses régions : le Soudan, le Soudan du Sud, le Sahel, l’est du Congo et la Corne de l’Afrique. Ces conflits engendrent des souffrances inimaginables, détruisent les moyens de subsistance et bloquent les voies d’opportunité. Nous ne pouvons parler de progrès tant que les bombes tombent et que les armes résonnent. Le mouvement syndical africain s’élève sans équivoque : nous avons besoin de la paix, non pas comme un après-coup, mais comme une condition préalable à un développement véritable. Nous exigeons la fin immédiate de toute agression violente. Nous appelons à des processus de paix inclusifs, favorisant le dialogue, la dignité humaine et la justice. Nous exprimons notre solidarité indéfectible envers toutes les personnes affectées par les conflits et l’oppression.
Des décennies de modèles économiques extractifs et de politiques d’ajustement structurel imposées de l’extérieur ont anéanti le potentiel industriel du continent, transformant des secteurs prometteurs en zones de chômage et d’informalité généralisés. Il est désormais impératif que nous fassions de la relance et de la réinvention de l’industrialisation une priorité urgente, tant sur les plans politique, économique que moral. Nous devons passer d’une économie fondée sur l’extraction des ressources et la dépendance extérieure à une économie créatrice de valeur, qui distribue les richesses de manière équitable et protège à la fois les travailleurs et la planète. L’industrialisation doit être inclusive, durable et respectueuse des droits des travailleurs. Elle doit permettre la création d’emplois décents, et non approfondir l’exploitation. Nous appelons nos gouvernements à envisager l’industrialisation à travers les industries artisanales et à soutenir les petites et moyennes entreprises, alors que nous repensons la manière de créer des opportunités dans le secteur manufacturier.

Pour s’industrialiser, le continent africain doit déployer un effort délibéré, systématique et constant afin de sécuriser la production, la transmission et la distribution de l’énergie. Nous avons tous constaté les ravages causés par la privatisation de l’énergie, qui a exacerbé la pauvreté et ralenti nos efforts d’industrialisation. Il est donc impératif d’élaborer des stratégies collaboratives pour identifier des solutions publiques adaptées à nos besoins énergétiques. Nous recommandons de rester vigilants et estimons que l’Afrique doit mettre en place des contre-mesures solides contre le chantage et les subterfuges des partisans de l’orthodoxie néolibérale, qui s’opposent aux voies publiques menant à l’autosuffisance énergétique.

De même, la promesse de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ne doit pas faire oublier les travailleurs qui rendent le commerce possible. L’Afrique doit intensifier et améliorer ses échanges internes afin de tirer pleinement parti des avantages comparatifs de ses diverses économies. Des mesures doivent être prises pour faciliter le commerce, notamment en développant les compétences, en garantissant une protection sociale, en assurant le respect des droits des travailleurs, en investissant dans les infrastructures (ferroviaires, routières, maritimes et aériennes), en mettant en place des systèmes de paiement efficaces, des tarifs prévisibles et équitables, en facilitant la mobilité et en restaurant la confiance. Cependant, la CSI-Afrique appelle à la prudence afin d’éviter que le commerce ne se transforme en une course vers le bas. Il doit reposer sur des protections solides des travailleurs, des garanties sociales et un dialogue inclusif. Pourtant, la voix des travailleurs reste marginalisée dans le processus de la ZLECAf. Cela doit changer. Les syndicats doivent être reconnus comme des partenaires légitimes dans la définition d’un commerce bénéfique pour tous.

Le paysage du travail évolue rapidement. L’essor de l’économie numérique, les transitions induites par le climat et l’automatisation des industries redéfinissent la manière, le lieu et les conditions de travail. Sans une transition juste, délibérée et inclusive, ces changements risquent d’aggraver les inégalités et de déplacer des millions de personnes. Nous devons veiller à ce que les travailleurs des secteurs traditionnels, de l’économie informelle et du numérique ne soient pas laissés pour compte dans cette transformation. Il est essentiel de les organiser et de les représenter efficacement à travers des processus et des résultats de négociation collective inclusifs. Nous réitérons notre appel à nos membres : organisons-nous, mobilisons-nous et agissons pour le changement maintenant !

Alors que nous célébrons cette Journée du Travail, la CSI-Afrique appelle toutes ses organisations affiliées, les syndicats et les forces progressistes à :

 Plaider en faveur d’un cadre de paix et de sécurité national et continental, fondé sur le bien-être humain et l’intérêt général ;
 Exiger des gouvernements africains qu’ils mettent fin à toute forme d’agression violente, qu’ils respectent les dialogues et les résolutions négociées, et qu’ils apportent solidarité et soutien aux pays, communautés et peuples affectés par les conflits en cours sur le continent ;
 Promouvoir des politiques nationales d’industrialisation qui priorisent la création d’emplois, des salaires équitables et la protection sociale ;
 S’assurer que les accords commerciaux, en particulier la ZLECAf, intègrent des protections solides des droits des travailleurs et des dispositions pour un travail décent ;
 Renforcer le mouvement syndical afin d’organiser les travailleurs des secteurs informels, de l’économie des petits boulots et des plateformes, afin de garantir qu’ils ne soient pas laissés pour compte dans la transformation industrielle du continent africain ;
 Défendre une industrialisation durable en harmonie avec la justice climatique, des salaires équitables et les droits des travailleurs ;
 Exiger une voie publique vers la justice énergétique, un financement adéquat pour les besoins d’adaptation et de mitigation du climat de l’Afrique, et plaider pour une transition juste qui protège les travailleurs dans les industries touchées par l’automatisation et l’adaptation climatique.

La tâche qui nous attend est immense, mais notre détermination l’est tout autant. Le destin de notre continent ne peut être laissé au hasard ni aux caprices d’élites irresponsables. Il doit être façonné par la volonté du peuple et la force du travail organisé. Que ce 1er Mai soit une nouvelle occasion de nous rassembler et de renouveler notre engagement dans la lutte pour une Afrique pacifique, prospère et juste. Unissons-nous pour exiger que l’industrialisation serve les peuples, que le commerce élève les communautés et que le travail devienne un chemin vers la dignité, et non vers la pauvreté.

Vive les travailleuses et travailleurs africains.

Vive la solidarité internationale.

Toujours en avant dans la lutte pour la paix, la justice et un travail décent.

Fait à Lomé, le 1er mai 2025

Le Secrétaire Général

Akhator Joel Odigie