AFRICAN REGIONAL ORGANISATION OF THE
INTERNATIONAL TRADE UNION CONFEDERATION Creating a better world for workers in Africa and beyond

Le 2 avril, le président Trump a annoncé l’imposition de droits de douane forfaitaires dont le taux peut atteindre 25 % sur des exportations clés en provenance de pays africains tels que le Lesotho, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya. L’annonce a provoqué une réaction vive des marchés mondiaux, avec une brusque chute de la Bourse de New York, mettant en péril les moyens de subsistance de millions de travailleurs, non seulement en Amérique, mais aussi dans le monde entier, et surtout parmi les travailleurs africains qui disposent de très peu d’options alternatives. Ces droits de douane imposés sont des provocations inutiles à l’égard des partenaires commerciaux des États-Unis et ne font qu’aggraver la pauvreté dans de nombreux pays pauvres et en développement, notamment en Afrique. La CSI-Afrique rejette fermement ces mesures arbitraires et punitives. Ces droits de douane ne visent pas à promouvoir le commerce ou à renforcer l’économie mondiale ; ils sont plutôt une démonstration de force et de bravade qui menace à la fois le commerce mondial et la stabilité économique.

L’annonce de ces droits de douane est venue semer la confusion et l’incertitude plutôt que d’apporter des solutions. D’un côté, il y a l’AGOA, qui offre un régime sans droits de douane, tandis que de l’autre, le président Trump a annoncé des droits de douane variant de 10 % (pour le Kenya, l’Éthiopie et le Ghana) à 30 % (pour l’Afrique du Sud) et même 50 % (pour le Lesotho). Le Lesotho fait face au tarif le plus élevé, fixé à 50 %, alors qu’il envoie 20 % de ses exportations totales vers les États-Unis. Madagascar suit avec un tarif de 47 % (16 % de ses exportations totales vers les États-Unis), Maurice à 40 % (12 %), le Botswana à 37 % (9 %), l’Angola à 32 % (3 %), la Libye à 31 % (4 %), l’Afrique du Sud à 30 % (9 %), l’Algérie à 30 % (6 %), la Tunisie à 28 % (4 %) et la Côte d’Ivoire à 21 % (5 % de ses exportations totales vers les États-Unis).

Ces droits de douane causent des dommages économiques considérables à plusieurs secteurs. Les industries de l’habillement et du textile connaissent une baisse significative de la demande, tandis que des secteurs vitaux tels que l’agriculture, l’exploitation minière et l’énergie sont également menacés. Les exportations agricoles, qui contribuent au bien-être de nombreuses communautés rurales, devraient diminuer à mesure que les acheteurs américains réduisent leurs achats. L’exploitation minière, pilier de nombreuses économies africaines, et l’énergie, à la fois essentielle à la croissance industrielle et à la stabilité des foyers, sont également vulnérables. En conséquence, les coûts de production augmenteront, les revenus diminueront et les pertes d’emplois deviendront de plus en plus évidentes. De plus, la réduction de l’Aide publique au développement (APD) en provenance des États-Unis et d’autres pays industrialisés a exposé les économies les plus vulnérables d’Afrique, et la classe ouvrière subit actuellement des difficultés sans précédent.

Les droits de douane sont avant tout des taxes. En cas d’augmentation, les producteurs, les distributeurs, les vendeurs et les entreprises répercutent ces coûts supplémentaires sur les consommateurs en augmentant les prix des biens et services. Les mesures d’austérité imposées comme condition de remboursement de la dette ont entraîné des gels salariaux dans de nombreuses économies africaines. L’inflation provoquée par les hausses de droits de douane de Trump ne fera qu’aggraver le pouvoir d’achat des ménages africains moyens. Au-delà des pertes d’emplois inévitables, nous craignons que la faim et la misère ne s’aggravent pour de nombreuses familles et communautés africaines. Nous appelons donc le président Donald Trump à reconsidérer et à annuler ces hausses de tarifs.

Tout en déplorant les hausses de droits de douane des États-Unis qui affectent le commerce mondial, nous souhaitons saisir cette occasion pour réitérer notre appel aux gouvernements africains et à l’Union africaine afin qu’ils favorisent une intégration réelle et opportune de l’économie africaine. Nous nous réjouissons de la mise en place de l’Initiative de commerce guidé, qui constitue une plateforme précieuse pour le commerce intra-africain. Il est désormais crucial d’aller au-delà de cette phase initiale et de mettre pleinement en œuvre la facilitation du commerce dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). La mise en œuvre complète de la ZLECAf éliminera les goulots d’étranglement persistants, harmonisera les structures tarifaires, améliorera les systèmes et infrastructures nécessaires à la facilitation du commerce, y compris le développement des compétences et le respect des droits des travailleurs, et renforcera le commerce intra-africain, favorisant ainsi une économie plus résiliente et dynamique.

Les gouvernements africains et l’Union africaine doivent agir avec urgence et détermination. L’unité, l’intégration et l’action décisive sont essentielles. Nous appelons les gouvernements, les syndicats et les organisations de la société civile progressistes à collaborer pour trouver des moyens d’exploiter positivement ce nouveau développement. En tirant pleinement parti du potentiel de la ZLECAf, nous pouvons stimuler une croissance transformative en Afrique tout en protégeant les intérêts de nos travailleurs.

Les travailleurs ne doivent pas être les victimes d’une guerre commerciale qui favorise quelques privilégiés au détriment du plus grand nombre. Il est de notre responsabilité de saisir cette occasion pour bâtir un cadre économique solide et équitable pour notre continent.

Akhator Joel ODIGIE
Pour et au nom des travailleurs africains.