Marche mondiale contre le travail des enfants
La Marche mondiale demande l’adoption d’une nouvelle convention
sur le travail décent pour les travailleurs domestiques
New Delhi, le 27 mai 2011 : Une convention internationale sur le travail décent pour les travailleurs domestiques est devenue une nécessité. La Marche mondiale contre le travail des enfants1 attend avec intérêt les résultats des discussions sur cette question urgente à la 100ème session de la Conférence Internationale du Travail qui se tient à Genève, Suisse, du 1er au 17 juin 2011. Il est espéré que les délibérations finales qui concluront un processus de discussions et de consultations depuis deux ans se termineront par l’adoption de la Convention proposée sur le travail décent pour les travailleurs domestiques.
C’est une occasion historique pour l’Organisation internationale du travail (OIT) de célébrer sa 100ème session de la Conférence et, dans le contexte de la crise économique mondiale, et le thème: « Construire le futur à partir du travail décent » est parfaitement choisi. Il y a là une importante opportunité d’inclure un débat sur ce nouvel instrument qui pourra modifier la vie et les conditions de travail de millions de travailleurs domestiques et contribuer significativement à l’élimination du travail domestique des enfants, une des formes les plus brutales du travail des enfants.
La Marche mondiale atteste des progrès réalisés par les trois groupes partenaires de l’OIT (gouvernements, employeurs et travailleurs), ainsi que des organisations de la société civile, depuis 2010 en assurant une présentation d’un projet révisé de Convention et de Recommandation qui servira de base de discussion à la Conférence internationale du travail. Une mention particulière doit être attribuée au rôle important et au travail du réseau international des travailleurs domestiques qui a mobilisé les syndicats et la société civile sur cette question cruciale du travail décent pour les travailleurs domestiques.
La Marche mondiale se félicite des fortes références faites au travail des enfants, à l’âge minimum pour l’emploi et à la sécurité et à la santé au travail, en particulier les articles 3 et 4 de la convention proposée et les paragraphes 4 et 18 de la recommandation proposée, qui contribueront considérablement à l’effort mondial d’élimination du travail domestique des enfants. Ces références spécifiques sont cruciales et soutiennent les activités et les programmes de la Marche mondiale, ses membres et les organisations qui s’opposent au travail des enfants. Cependant, la Marche mondiale souligne le besoin de lier les efforts en vue de l’élimination du travail domestique des enfants à la lutte contre le trafic des enfants dans une perspective de travail forcé, en particulier au niveau frontalier.
Le travail domestique des enfants est une forme difficile du travail des enfants, car dans beaucoup de pays, il est culturellement accepté et communément pratiqué. Depuis de nombreuses années, la Marche mondiale et ses membres ont été en première ligne des campagnes de la société civile contre le travail domestique des enfants, mettant en évidence le besoin de s’attaquer aux formes cachées du travail des enfants, et de réclamer des politiques et des mesures juridiques cohérentes, tant au niveau national qu’au niveau international.
Comme délégué à la Conférence internationale du travail, il est important que vous gardiez à l’esprit l’impact extrêmement important que peuvent avoir cette convention et cette recommandation sur la vie de millions d’enfants vulnérables. Le travail domestique des enfants implique le plus souvent à des situations où les enfants travaillent au domicile « d’employeurs » qui les exploitent (longues heures de travail, sans ou avec un médiocre salaire et en ne respectant l’âge légal minimum de travailler). Ces enfants, travaillant clandestinement, dans des maisons privées, sont extrêmement vulnérables et souvent abusés.
Ils quittent parfois leurs familles pour des raisons liées directement ou indirectement à des situations de pauvreté, où les enfants des familles très pauvres sont placés dans des familles plus avantagées, et où des enfants d’origine rurale sont placés dans des familles urbaines loin de leurs propres familles. Quelquefois l’enfant est aussi placé
1 La Marche mondiale contre le travail des enfants est un réseau mondial de syndicats, de professeurs et d’organisations de la société civile oeuvrant pour l’élimination et la prévention de toute forme de travail des enfants et pour assurer à chaque enfant un accès à une éducation publique gratuite, significative et de qualité.
dans des familles parentes, et dans des familles dites éloignées, ce qui n’est parfois qu’un prétexte pour justifier le placement de ces enfants. Cependant toutes ces situations différentes sont souvent vues par les parents et les « employeurs » comme un moyen d’améliorer la situation de ces enfants. De plus, les enfants travaillant dans le secteur domestique sont souvent d’origine migrante et sont souvent soumis aux pires formes de travail.
Selon les études de l’OIT, au plan mondial, le travail domestique est le secteur d’emplois le plus fréquent pour les filles de moins de 16 ans. Le travail des enfants dans le secteur domestique, est tout d’abord un aspect particulier mais réel du travail des enfants, de plus une atteinte aux droits de l’enfant et enfin un problème de genre. C’est un problème lié au travail des enfants car il implique une exploitation économique et des conditions de travail souvent très pénibles. C’est ensuite un problème de droits de l’enfant car la nature et les conditions de travail portent atteintes au développement de l’enfant et à son éducation. C’est enfin un problème de genre car il implique une discrimination et un risque d’exploitation sexuel à l’égard des filles.
Bien que tous les travaux domestiques que les enfants effectuent ne doivent pas être considérés comme des activités d’esclavage, la ligne de démarcation est souvent franchie. Le travail des enfants dans le secteur domestique s’accomplit dans des maisons privées, « à portes fermées », caché du public et sans qu’aucune forme d’inspection du travail ne soit possible. Très souvent les enfants travaillant dans le secteur domestique sont victimes d’exploitations de diverses formes. Ils sont privés de leurs droits comme enfants selon les lois internationales, en particulier le droit d’être éduqué, de bénéficier d’une formation professionnelle, mais aussi de leur droit de jouer et d’être protéger médicalement; de leur droit d’être respecté sexuellement et contre le harcèlement; de leur droit de visiter ou de recevoir des visites de leurs familles, d’avoir des amis, et d’être logé convenablement.
Jusqu’à maintenant, il a été difficile d’aborder sérieusement le travail domestique des enfants car la législation du travail dans beaucoup de pays n’est pas appliquée à ce secteur considéré comme informel, non reconnu comme une forme d’activité économique et cantonné dans les domiciles privés. Les législations du travail sont vues comme non-contraignantes par les « employeurs » privés. Les enfants contraints au travail domestique ne sont pas inclus dans les statistiques car leurs activités sont souvent clandestines. Il y a, de plus, beaucoup de difficultés dans de nombreux pays à considérer le travail domestique comme une forme du travail qui doit être assimilé au travail des enfants. Comme tel, le travail des enfants dans le secteur domestique est souvent exclu des lois et règlements en relation avec les autres formes de travail des enfants car ils sont vus comme portant atteinte aux droits des familles.
Cette situation, qui concerne des millions d’enfants à travers le monde, pourrait être changée et donner aux acteurs nationaux une législation adaptée et des mécanismes utiles pour éliminer le travail des enfants dans le secteur domestique. Etablir un cadre légal serait une étape importante dans la voie de l’élimination de cette forme de travail des enfants. Ainsi, l’adoption d’une Convention et d’un Recommandation sur le travail décent pour les travailleurs dans le secteur domestique à la 100ème session de la Conférence internationale de l’OIT serait un important progrès et une base significative nouvelle de la campagne contre l’élimination du travail domestique par les enfants. Toutefois, cette adoption seule n’est pas suffisante et la Marche mondiale demande d’urgence aux Etats de ratifier rapidement ces nouveaux instruments internationaux.
Le mouvement international contre le travail des enfants a fait des progrès significatifs depuis 1999 non seulement en raison de l’adoption de la Convention n° 182 de l’OIT contre les pires formes de travail des enfants, mais aussi en raison de la ratification rapide de cet instrument qui a aussi influencée la ratification de la Convention n° 138 sur l’âge minimum au travail. La nouvelle Convention sur le travail décent pour les travailleurs dans le secteur domestique n’aidera pas seulement à l’élimination du travail des enfants dans le secteur domestique, mais conduira aussi à des changements significatifs pour les jeunes travailleurs et les adultes travaillant dans ce secteur. Le travail décent pour les travailleurs dans le secteur domestique peut devenir une référence utile à l’emploi des jeunes et à l’élimination du travail des enfants.
En conséquence, la Marche mondiale demande instamment à toutes les délégations à la Conférence internationale d’adopter sans changement la Convention et la Recommandation proposées sur le travail décent dans le secteur domestique et réaffirme son engagement de travailler avec tous les acteurs, incluant les enfants et les communautés, dans ce nouveau cadre pour engager une nouvelle initiative globale en faveur de l’élimination du travail des enfants dans le secteur domestique.