PRINCIPALES REVENDICATIONS DU MOUVEMENT SYNDICAL AFRICAIN POUR LA COP 28

Mots Clés : Changement Climatique & Environnement Déclarations Togo

Contexte
En prévision de la COP28 qui se tiendra à Dubaï en décembre 2023, le mouvement syndical africain, représenté par la CSI-Afrique, a organisé une réunion le 8 novembre 2023 qui a rassemblé les affiliés nationaux et les représentants africains des Fédérations syndicales internationales (FSI). La réunion a rappelé l’importance de la Conférence des Parties (COP) à la CCNUCC, le contexte mondial et régional difficile, les positions du Groupe africain de négociateurs et les questions découlant du Sommet africain sur le climat organisé en septembre 2023, a discuté de l’ordre du jour de la COP 28 et de ses implications pour les priorités de développement de l’Afrique, et a convenu des revendications et des questions prioritaires des syndicats africains.

L’importance historique de la CCNUCC réside dans le fait qu’elle s’attaque à une menace existentielle globale qui nécessite les formes et les niveaux les plus élevés de coopération entre tous les peuples. La COP 28 se tiendra à un moment où les tensions géopolitiques ont atteint des niveaux sans précédent, qui se manifestent de diverses manières, notamment par la guerre entre la Russie et l’Ukraine et par les attaques génocidaires israéliennes contre les Palestiniens de Gaza à la suite des attentats ignobles du 7 octobre perpétrés par le Hamas. Il se pose de nombreux défis à la paix et à la sécurité en Afrique, en particulier au Soudan, au Sahel et ailleurs. Les droits humains, les droits des travailleurs et les droits des peuples sont en outre mis à rude épreuve dans certains pays.

Les discussions ont permis de rappeler les faits climatiques scientifiques pertinents pour le développement de l’Afrique et les négociations sur le climat, comme le confirment les derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il a été noté que le monde est loin d’être sur la bonne voie pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius, comme convenu à Paris. De plus, l’Afrique, qui a le moins contribué à la crise climatique, continue de souffrir le plus dans tous les scénarios d’émissions, avec des projections d’inondations, de sécheresses, de vagues de chaleur, de tempêtes et d’incendies de forêt plus fréquents et plus intenses. Les coûts économiques estimés s’élèvent à 7 milliards de dollars de pertes annuelles entre 2010 et 2019, et sont en augmentation, menaçant de réduire la croissance du PIB de l’Afrique de 2 à 4 % à court terme. Alors que les pays africains ont le plus grand besoin de réduire leur exposition et leur vulnérabilité aux risques climatiques, de renforcer leur résilience, d’améliorer leur capacité à se remettre des pertes et des dommages, et de renforcer leur capacité à tirer parti des opportunités de développement, ils ont également le moins de capacités financières, économiques, technologiques et techniques pour mettre en oeuvre des mesures d’adaptation durables et tenant compte des spécificités de chaque sexe.

Les défis économiques, financiers et fiscaux redoutables dans un monde post-COVID ont servi de toile de fond aux discussions sur les défis sociaux et économiques cruciaux auxquels sont confrontés les pays africains à la veille de la COP 28. Les déficits en matière de travail décent se sont creusés dans tous les pays, alors qu’il reste à peine six ans pour faire le point sur les ODD de l’Agenda 2030. La population jeune de l’Afrique promet d’importants dividendes démographiques qui doivent être réalisés face à la hausse du chômage des jeunes, au sous-emploi et au fait qu’un grand nombre d’entre eux ne sont pas dans l’éducation et la formation. La prévalence de l’insécurité de l’emploi, des revenus et des moyens de subsistance est exacerbée dans l’économie informelle omniprésente, où les femmes sont majoritaires et où l’écart salarial entre les hommes et les femmes est important. En moyenne, seulement 17 % de la population africaine est couverte par une forme de protection sociale, alors que la moyenne mondiale est de 40 %.
Entre-temps, l’ODD 9, l’Agenda 2063 de l’UA et la disposition explicite de la CCNUCC sur le droit des pays africains au développement, avec une référence particulière à l’industrialisation, à la transformation agricole et à la sécurité alimentaire, ont souligné la nécessité de transformer les économies de manière à ce qu’elles ne soient plus axées sur l’exportation de produits de base. Le secteur économique le plus sensible au climat, l’agriculture, est aussi celui qui contribue le plus à l’emploi, au PIB et aux exportations, ce qui place l’agriculture au coeur de tout effort d’adaptation. Bien qu’elle soit essentielle à la survie de l’Afrique, l’adaptation ne bénéficie pas de ressources suffisantes, puisqu’elle n’attire qu’environ 34 % des fonds destinés à la lutte contre le changement climatique, et qu’aucune donnée n’est disponible sur les fonds alloués à l’agriculture. Par ailleurs, les syndicats et les organisations de la société civile notent que les pays industrialisés riches se sont montrés les plus constants à ne pas tenir leurs promesses financières, technologiques et autres, mettant ainsi à mal le principe du "pollueur-payeur" et les principes fondateurs de la CCNUCC que sont l’équité, la justice et l’impartialité.
La réunion a noté que le bilan mondial est une étape cruciale car il donne aux parties l’occasion de faire collectivement le point sur les progrès négligeables accomplis à ce jour et de formuler des propositions que les parties devront prendre en considération lors du prochain cycle d’examen et de mise en oeuvre des CDN. C’est dans ce contexte que les participants à la réunion se sont mis d’accord sur quatre revendications prioritaires pour la COP 28.

Revendications prioritaires
1. Atténuation, transition énergétique et industrialisation
La COP 28 doit prendre des décisions concrètes qui engagent les Parties à relever leur ambition climatique. Conformément à la CCNUCC et à l’Accord de Paris, les pays fortement industrialisés doivent prendre la tête de la réduction des émissions ; ils doivent également respecter leurs engagements et fournir les moyens de mise en oeuvre nécessaires aux pays africains pour relever leur ambition climatique, en particulier les objectifs de réduction des émissions conditionnels.
Une dimension essentielle de l’atténuation du changement climatique est la transition énergétique, qui ouvre différents scénarios pour les pays africains. Dans ce contexte, les syndicats réitèrent le principe fondamental de la CCNUCC qui consiste à respecter le droit des pays africains à s’industrialiser en tant que dimension nécessaire du droit au développement. Les scénarios d’une transition énergétique juste doivent permettre la réalisation de l’ODD 7, tout en garantissant l’accès à l’énergie pour accélérer l’industrialisation en vue de la réalisation de l’ODD 9.
Tout en reconnaissant le rôle du secteur privé dans la diversification des sources de financement de l’action climatique, les financements publics doivent jouer un rôle de premier plan pour garantir un accès durable et équitable à l’énergie et à d’autres biens publics. Les décisions doivent encourager les gouvernements africains à mettre en place des mécanismes réglementaires pour que le secteur privé s’engage dans l’échange de droits d’émission de carbone, qui protègent et respectent les droits des populations indigènes et rurales, et qui garantissent d’autres normes minimales.

2. Priorisation du programme d’adaptation
La COP 28 doit accélérer le processus d’élaboration d’un cadre mondial d’adaptation afin d’améliorer l’accès au financement. Les syndicats africains soutiennent la demande du groupe africain de négociateurs pour un financement dédié à l’adaptation, qui est nécessaire pour réaliser les ODD concernant l’alimentation, l’eau, la sécurité énergétique et l’égalité des sexes. Ce financement doit également soutenir la mise en place d’une protection sociale universelle, en commençant par les socles de protection sociale. De plus, le financement de l’adaptation doit permettre de passer d’une agriculture à puissants intrants externes à des systèmes de production basés sur l’agroécologie, conformément aux recommandations du GIEC et à la stratégie de réponse au changement climatique 2022-2032 de l’UA, et favoriser ainsi des solutions au changement climatique sensibles au genre, centrées sur l’être humain et fondées sur la nature.
En rapport avec l’adaptation, les négociations sur les pertes et dommages ont remporté une victoire importante lorsque la COP 27 a décidé de créer un fonds. Les syndicats soutiennent les demandes du groupe africain de négociateurs pour faire avancer les décisions et les mettre en oeuvre en apportant des solutions aux questions en suspens concernant les arrangements institutionnels.

3. Financement climatique
En fin de compte, les mesures de riposte dépendent du financement climatique pour être mises en oeuvre de manière durable et, à cet égard, la simplification, la clarification, la création et l’opérationnalisation des mécanismes de financement sont des préoccupations essentielles pour l’Afrique. Un financement dédié à l’adaptation, aux pertes et dommages, à la transition juste et au genre est nécessaire et conforme à l’Accord de Paris.

La COP 28 doit prendre des décisions qui garantissent l’octroi de financements climatiques sous forme de subventions, plutôt que de prêts qui plongent les pays dans un nouveau cycle d’endettement. Elles doivent renforcer et maintenir des financements climatiques prévisibles, accessibles et transparents en faveur de l’adaptation, des pertes et dommages, de la transition juste et de l’égalité des sexes. Elles doivent encourager une mobilisation plus diversifiée des financements, y compris de la part du secteur privé, tout en soulignant la centralité des financements publics.
Le G20 et les autres pays développés riches doivent honorer leurs engagements financiers et en prendre de nouveaux lors du prochain cycle d’examen et de mise en oeuvre des CDN.

4. Transition juste et justice climatique
La COP 28 doit élargir la portée, le contenu et l’orientation de la transition juste et lui donner l’importance qu’elle mérite. La COP 28 doit reconnaître le programme de travail sur la transition juste établi à Sharm El Sheikh comme le fil conducteur reliant tous les autres programmes de travail. Par conséquent, le programme de travail sur la transition juste doit être ouvert et non limité à une période de 2 à 4 ans. La transition juste doit contribuer au respect des droits de l’homme, des droits des travailleurs et des droits du travail, que toutes les parties se sont déjà engagées à respecter dans d’autres forums. Elle doit également contribuer à la réalisation des ODD, en particulier l’ODD 10 sur l’égalité dans chaque pays et entre les pays. Elle doit promouvoir le travail décent en réduisant progressivement les déficits dans les pays et en renforçant les dimensions sociales de la transition juste, en particulier les principes et droits fondamentaux au travail - la liberté syndicale, le dialogue social, la protection sociale, la sécurité et la santé au travail et l’amélioration de la protection de la maternité. Les syndicats demandent une participation inclusive et productive aux structures de mise en oeuvre de la transition juste et au prochain cycle d’examen et de mise en oeuvre des CDN.

Perspectives stratégiques
Le mouvement syndical africain réaffirme son engagement à élaborer le contenu général et la direction d’une transition juste. Il élaborera également des exigences sectorielles pour une transition juste, en se concentrant sur l’agriculture, l’énergie, l’industrie, la sylviculture et la gestion des déchets. Il proposera également des voies de transition qui tiennent compte à la fois de l’empreinte carbone, des droits de l’homme, des droits des femmes et des droits des travailleurs, des préoccupations socio-économiques et environnementales, de la santé et de l’inclusion.

Lomé, 8 novembre 2023
Le Secrétaire Général
Kwasi ADU-AMANKWAH

In PDF Revendications_CSI-Af COP 28

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