Faisant suite à la déclaration d’Abidjan de la conférence de 2017, 23 délégués de 17 organisations syndicales affiliées à la CSI Afrique et 2 organisations d’appui dédiées à l’appui du mouvement syndical, se sont réunis du 6 au 10 novembre à Johannesburg, dans le cadre d’un séminaire continental organisé par FEDUSA, CSI Afrique et CSC / IIWE, sur le droit à la protection sociale et à l’égalité des sexes, en mettant l’accent sur le nouvel instrument normatif sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
C’était également pour les participants l’occasion d’apprécier les défis syndicaux pour la promotion du droit universel à la protection sociale pour tous les travailleurs et l’égalité de genre comme deux piliers d’importance égale de la mission des syndicats visant à promouvoir la justice sociale.
La protection sociale joue un rôle central dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et dans la promotion d’un développement inclusif et durable. La protection sociale garantit à chacun une vie décente et assure, tout au long du cycle de vie, l’accès aux soins de santé essentiels, aux biens et services et à la sécurité du revenu de base. Malgré cela, la dure réalité est que l’accès à une protection sociale adéquate est à ce jour refusé à 73 % de la population mondiale et jusqu’à 90 % de la population africaine.
Les femmes ont un intérêt particulier dans la protection sociale, car elles sont confrontées à un certain nombre de risques sexo-spécifiques, tels que la maternité et les responsabilités familiales non rémunérées, qui peuvent entraver leurs efforts pour avoir un revenu propre.
Par ailleurs, la violence et le harcèlement dont sont victimes les travailleurs occupant des emplois précaires et faiblement rémunérés continuent de menacer gravement le droit à la santé et à la sécurité au travail et donc le droit à la protection sociale, un travailleur sur cinq en étant victime pendant toute sa vie professionnelle.
En dépit des résultats importants obtenus ces dernières années en ce qui concerne l’égalité devant la loi des hommes et des femmes dans les cadres juridiques internationaux, régionaux et nationaux, il subsiste des lacunes importantes dans les dimensions socioéconomiques de l’égalité réelle entre hommes et femmes.
Après avoir entendu les interventions des experts de la CSI Afrique et de l’OIT, l’échange et les discussions sur les bonnes pratiques des syndicats africains et européens et avoir été enrichis par des visites sur le terrain en Afrique du Sud, en particulier à la Commission pour l’égalité des sexes et la Commission pour la conciliation, la mitigation et l’arbitrage (CCMA), les participants ont formulé les recommandations suivantes :
A. Concernant la promotion de l’accès universel à la protection sociale
- Impliquer le gouvernement dans le dialogue social pour de meilleurs cadres juridiques et politiques afin d’étendre le droit à la protection sociale aux travailleurs de l’économie précaire et informelle et d’en assurer la mise en œuvre.
- S’engager dans l’action politique, les campagnes et le dialogue social avec le gouvernement afin de ratifier et transposer dans la législation nationale les normes de l’OIT en matière de protection sociale, en particulier les conventions 102 et 202 concernant les niveaux nationaux de protection sociale et les recommandations 204 concernant la transition de l’économie informelle à l’économie formelle.
- S’engager dans une action politique en faveur de la transférabilité des droits de protection sociale aux niveaux national et continental, afin de garantir l’accès à la protection sociale des travailleurs migrants sur le continent.
- Organiser les travailleurs précaires et informels, y compris les travailleurs domestiques et agricoles qui n’ont qu’un accès limité ou non-existant aux systèmes de protection sociale afin de réclamer en leur nom l’extension de la protection sociale à ces travailleurs vulnérables.
- Former des alliances avec des OSC et des centres de recherche, voire des cercles universitaires, ayant une expertise en matière de renforcement des capacités syndicales.
- Créer des synergies entre les acteurs syndicaux et avec les mouvements sociaux et les mouvements de jeunesse, pour une action politique commune en faveur de l’accès à la protection sociale et pour la mise en place de services aux syndiqués de l’économie informelle.
- Renforcer les capacités des syndicats dans leur rôle dans le développement, la mise en œuvre et le suivi des politiques de protection sociale, comme la gouvernance des institutions de sécurité sociale et dans le dialogue social.
- Faire de la protection sociale une priorité claire de l’action syndicale au niveau national, sous-régional et continental et mettre en place des structures et des points focaux à tous ces niveaux pour un suivi adéquat des objectifs du droit à la protection sociale.
B. Promotion de l’équité de genre dans la protection sociale
- S’engager dans l’action politique, les campagnes et le dialogue social avec le gouvernement en vue de ratifier et de transposer dans la législation nationale les normes de l’OIT concernant l’équité de genre dans la protection sociale, en particulier la Convention 100 sur l’égalité de rémunération, la Convention 111 contre la discrimination, la Convention 156 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, la Convention 183 sur la protection maternelle et la Convention 189 sur les droits des travailleurs et des travailleuses domestiques. S’engager activement dans le mécanisme de supervision de l’OIT pour le respect de ces instruments normatifs de l’OIT, une fois qu’ils auront été ratifiés par les gouvernements.
- Faire activement campagne et s’engager dans un travail de plaidoyer auprès du gouvernement et des employeurs pour l’adoption en 2019 d’un nouvel instrument normatif sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Investir dans des campagnes de sensibilisation des travailleurs et dans la formation des travailleurs afin de mettre fin à la violence et au harcèlement au travail et aux violences sexuelles et sexistes en particulier.
- S’engager dans l’action politique et les campagnes avec le gouvernement, en étroite collaboration avec les OSC et les organisations de femmes, pour la ratification des instruments normatifs africains internationaux et régionaux sur l’égalité des sexes.
- Plaider et faire campagne en faveur de l’équité en matière d’emploi (sexe, race, origine ethnique, orientation sexuelle...) et des cadres législatifs et politiques. Afin de combler l’écart entre les sexes en matière de protection sociale, nous devons plaider et faire campagne en faveur de programmes spécifiques ciblés de protection sociale en faveur des femmes, tels que des prestations en espèces ou des programmes de transferts sociaux.
- S’engager dans des actions syndicales et des négociations collectives pour des salaires minimums et des salaires viables et augmenter les salaires dans les secteurs peu rémunérés (nettoyeurs, personnel de restauration, soignants, caissiers et employés de bureau).
C. Promotion de l’égalité de genre
- Organiser les femmes, en particulier des femmes des groupes vulnérables, avec un ’emploi atypique, au secteur informel, ayant des conditions de travail précaires, les travailleurs domestiques, les zones franches, les travailleurs migrants afin de donner une voix aux femmes et un accès à la représentation syndicale et au dialogue social.
- Amplifier la voix des femmes dans les syndicats et promouvoir la participation des femmes au leadership. Adopter et mettre en œuvre une politique et un programme en matière d’égalité de genre (p. ex. audit portant sur l’égalité de genre, adaptation de la culture et des pratiques syndicales (p. ex. heures de réunion), avoir un bureau dédié aux femmes et/ou aux questions de genre et des structures dédiées à la voix des femmes dans les syndicats.
- S’engager dans des campagnes de sensibilisation et de formation sur l’égalité de genre à l’intention des hommes et des femmes (champions de l’égalité de genre) et se former aux instruments normatifs qui ont pour objectif l’égalité de genre. Investir dans la vulgarisation et la diffusion des textes juridiques (nationaux, régionaux, internationaux).
- Promouvoir l’égalité de genre par le dialogue social et la négociation collective en tenant compte des besoins pratiques et stratégiques des femmes (par exemple, congé d’allaitement, congé de maternité et rémunération, garderies...) et en intégrant les questions de violence et de harcèlement dans les politiques et procédures du lieu de travail.
- Créer et renforcer les alliances avec les mouvements de femmes pour l’égalité de genre, la formation et la sensibilisation et le plaidoyer politique commun pour de meilleurs cadres juridiques et politiques. S’engager activement avec les institutions et les autorités publiques en matière d’égalité des sexes en vue de la mise en œuvre de ces politiques et du cadre juridique, en particulier dans le domaine du travail décent et de la protection sociale.
- Mettre en place des services d’assistance juridique et sociale/psychologique en faveur des femmes victimes de violence et de harcèlement et de discrimination ou encore conclure des accords de coopération avec des agences spécialisées ou des ONG pour les services aux femmes.