Zimbabwe : Lettre de protestation au President de la République

Mots Clés : Zimbabwe Droits humains & syndicaux Lettres de protestation

Je vous adresse cette lettre au nom de l’Organisation Régionale Africaine de la Confédération Internationale des Syndicats – CSI-Afrique (www.ituc-africa.org), représentant 17 millions de travailleurs et travailleuses d’Afrique, pour condamner fermement le harcèlement continu des syndicalistes dans votre pays et le fait que le Congrès des Syndicats du Zimbabwe (ZCTU) soit qualifié d’organisation terroriste par le parti au pouvoir ZANU-PF dont vous êtes le 1er Secrétaire.

Monsieur le Président,

Les travailleurs zimbabwéens ne sont pas des terroristes - Respectez les droits de l’homme et du travail.

In pdf -//- zimbabwe_protest_letter-23.09.20

La CSI-Afrique suit de près les récents développements dans votre pays concernant les violations des droits de l’homme et constate que votre gouvernement a intensifié sa répression contre les syndicalistes, les travailleurs et les autres voix dissidentes. Nous craignons que la dissidence ne soit criminalisée et poursuivie, contrairement aux exigences de la démocratie participative. Les exemples suivants illustrent cette tendance inquiétante :

 Le président du ZCTU, M. Peter Mutasa, a été mis sur la liste des personnes recherchées par la police en juillet 2020 pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression.

 L’armée et la police répriment souvent les voix dissidentes, comme cela s’est produit lors de l’action de protestation du 31 juillet 2020, au cours de laquelle les forces de sécurité ont bouclé le pays et ordonné aux gens de rester chez eux.

 Les manifestants qui sont sortis ont été arrêtés, détenus, intimidés et persécutés par la justice. Certains de ceux qui étaient considérés comme ayant joué un rôle dans la mobilisation pour les actions de protestation ont été enlevés et torturés par les forces de sécurité pour avoir exercé leur droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques prévu par la Constitution du Zimbabwe.

Monsieur le Président, nous sommes également préoccupés par la situation des travailleurs et de la population du Zimbabwe, qui se caractérise par des salaires bas et un coût de la vie élevé. Nous aimerions vous rappeler que lorsque vous avez pris vos fonctions en novembre 2017, les travailleurs du Zimbabwe gagnaient un salaire minimum d’environ 500 dollars américains par mois, mais pendant vos deux années au pouvoir, leur salaire est maintenant un maigre montant de 30 dollars US par mois.

En juin 2019, votre gouvernement a mis en place un régime mono-devise, le dollar
zimbabwéen, sous prétexte qu’il était équivalent au dollar des États-Unis (USD). Cela s’est avéré faux. Même si votre gouvernement permet maintenant que la plupart des biens et services soient facturés et vendus en dollar américain, les salaires sont restés stagnants et fixés en dollar zimbabwéen qui est rarement accepté pour les transactions étant donné la valeur très faible et les problèmes de circulation. Il est également inquiétant de constater que l’inflation dépasse aujourd’hui 800 % et qu’elle ne cesse d’augmenter. Ces développements socio-économiques désastreux se combinent pour confiner et condamner les travailleurs et les travailleuses à la pauvreté malgré leur dur labeur.

Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a affaibli une économie déjà en difficulté et a aggravé la crise économique. La plupart des gouvernements sont en train de mobiliser leurs ressources et leur personnel, en particulier leur personnel de santé et autres professionnels, en vue de contenir la pandémie et d’offrir un service de qualité. Par contre, au Zimbabwe, les actions et omissions du gouvernement ont poussé les médecins et les infirmières à être en grève depuis le 6 juin 2020 pour exiger de meilleurs salaires et des équipements de protection individuelle (EPI). Il est inquiétant que votre gouvernement ait choisi de harceler les dirigeants, les placer en détention et porter des accusations criminelles contre eux pour s’être engagés dans une action syndicale légitime visant à faire valoir leurs revendications.

Nous constatons également que votre gouvernement exploite désormais les lois d’urgence liées à la COVID-19 pour réprimer les voix dissidentes. Les gens qui ont dénoncé la corruption dans l’acquisition de kits de test COVID-19 et de médicaments essentiels, et qui devraient être félicités pour leurs gestes patriotiques comme d’autres personnes exerçant le droit à la liberté d’expression, sont traités comme des dissidents. Il ressort des diverses informations en provenance du Zimbabwe que toute dissidence est officiellement considérée comme un crime. Cela est contraire aux principes de la démocratie participative.

Nous déclarons qu’il faut absolument trouver une solution politique à la crise qui sévit dans le pays et demandons à votre gouvernement de prendre des mesures urgentes en vue d’établir un nouveau contrat social avec le peuple du Zimbabwe, qui permettra le bon fonctionnement du pays.

Nous invitons par conséquent votre gouvernement à prendre d’urgence de mesures concrètes en vue de répondre aux préoccupations soulevées, dont celles qui suivent :

1. Cessez les arrestations, les enlèvements, les intimidations, le harcèlement, la torture et les persécutions judiciaires dont sont victimes les syndicalistes, leurs familles, les organisations de la société civile et les partisans de l’opposition ; et cessez de les qualifier de terroristes ;

2. Respectez les droits de l’homme et l’État de droit et laissez les citoyens exercer leurs droits à la liberté de réunion et d’association pacifiques, y compris le droit de grève ;

3. Appliquez intégralement les recommandations de la commission d’enquête de l’OIT de 2009

4. Payez les travailleurs avec une devise de valeur liée au seuil de pauvreté.

5. Autorisez l’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et l’OIT à servir de médiateurs pour faciliter sans tarder un dialogue inclusif visant à résoudre la crise socio-économique et politique au Zimbabwe.

La CSI-Afrique vous assure qu’elle continuera d’agir jusqu’à ce que votre gouvernement réponde aux préoccupations évoquées ci-dessus.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

Secrétaire Général
Kwasi Adu-Amankwah

cc : Commission de l’Union Africaine : chairperson@africa-union.org
cc : Président de l’Union Africaine -
cc : SADC : registry@sadc.int
cc : Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international mfa@zimfa.gov.zw
cc : Ministère de la fonction publique, du travail et de la protection sociale : labourpd@gmail.com
cc : Zimbabwe Congress of Trade Unions : info@zctu.co.zw

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